Evolution & poésie
Le monde des arts s’intéresse beaucoup à la science. Mais souvent sur le mode "m’as-tu vu" de l’art moderne et avec un traitement qui s’adresse davantage à la technologie qu’à la science proprement dite. Je voudrais évoquer ici une œuvre aux antipodes de ces mondanités. D’une simplicité biblique, elle unit poésie et science d’une manière qui, à ma connaissance, est restée jusqu’à présent inégalée. Il s’agit d’un poème. Le voici :
Avant-hier un oiseau
Encore avant poisson
J’ai galopé dans la prairie
J’ai volé dans le ciel
J’ai nagé dans la mer
Aujourd’hui je marche sur la terre
Je regarde le monde
Et je reconnais
L’herbe de la prairie
Les nuages du ciel
Les vagues de la mer
Je rêve et me souviens
De ce que je suis.
Le poème de Charpentreau réussit à nous faire éprouver cette unité entre l’humain et le processus du vivant sans prendre appui sur une quelconque proposition à caractère explicitement scientifique. Il nous installe dans des corps en mouvements, il nous donne des perceptions et, l’air de rien, lâche sa thèse magistrale : nous, les humains « reconnaissons » l’herbe, les nuages et les vagues. L’essentiel n’est pas dit mais est laissé à entendre avec une puissance suggestive d’autant plus grande.
Qu’est-ce qui n’est pas dit et qui n’a pas à l’être puisque nous le savons tous ? Tout simplement que la contemplation du monde naturel est source de beauté. Ce qui ouvre la possibilité que la « reconnaissance » soit la véritable source de cette beauté. Dans cette perspective, le monde est beau parce qu’il nous est familier, parce que nous le portons en nous, parce que nous sommes de ce monde, parce que nous sommes ce monde. Dans cette perspective, la beauté vient de notre unité avec le monde. L’alternative, vieille comme le monde, c’est que ce dernier serait beau « parce qu’il serait réellement beau ». Cette explication triviale qui place la beauté dans la chose perçue (et qui rend le processus de perception de la beauté énigmatique en diable), Charpentreau la balaye comme par magie, sans même l’avoir évoquée. Quelle tour de force !
Je crois que je vais enfin m’intéresser à la poésie. J’ai trouvé une porte d’entrée !
4 Comments:
concernant Ĉomski linguiste, j'en ai entendu parler dans le livre de Roger Fouts "A l'école des chimpanzés".
Roger Fouts le long de ses expériences avec Washoe et les autres chimpanzés a pu découvrir beaucoup de choses importantes (si vous ne connaissez pas encore ce livre je vous le recommande il est très interessant, et émouvant aussi), entre autres sur le mode d'apprentissange de la parole par les enfants humains. Et ses conclusions vont à l'encontre des thèses de Chomski.
Merci Roland.
J'irais voir Fouts.
Mais pas tout de suite, je le mets sur ma liste
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